La perte d’un être cher est souvent liée à une période de grand remaniement de la réalité externe mais également interne , que l’on nomme: travail psychique .

Dès les premières semaines, il s’agit d’apprivoiser l’absence, de faire face à une fatigue importante liée aux affects de tristesse qui arrivent par vague en lien avec la réalité du manque, mais également en lien avec des formalités administratives et matérielles, parfois pesantes.

Dans le cas d’un décès lié à une maladie s’ajoute à cela des semaines et des mois d’accompagnement, parfois jalonnés de nuits sans sommeil et de certains sentiments difficiles à vivre.

Par exemple, il arrive fréquemment que les semaines avant le décès, le sentiment d’impuissance lié au fait de ne pas pouvoir sauver ou soulager complètement la personne proche soit omniprésent . 
De plus, d’autres sentiments ambivalents peuvent alors surgir tels que le souhait que le moment de la mort arrive, dans l’espoir d’un soulagement mutuel (ce qui génère souvent beaucoup de culpabilité), et en même temps, celui de ne pas vouloir accepter cette séparation ultime.

Par ailleurs, au cours du suivi médical, un phénomène de « montagnes russes émotionnelles » peut se produire pour le malade et pour ses proches.

Aux grès des résultats d’examens, des espoirs sont plus ou moins activés chez le patient et sa famille, pouvant réveiller certaines croyances au miracle.
D’autres fois, des effondrements surviennent, liés au peu de résultat obtenu et cela malgré une endurance d’efforts physiques et psychiques intenses de la part du patient, pour supporter les effets secondaires de certaines chimiothérapies, qui conviennent à certains et pas à d’autres .

Ainsi prendre le temps de mettre des mots sur tous les maux vécus en amont de la perte s’avère souvent nécessaire car selon la formule d’Olivier NUNGE : »Tout ce qui ne s’exprime pas, s’imprime et déprime « .

Reconnaître le caractère extrême de certaines étapes est important, les partager avecd’autres s’avèrent réconfortants.

Dans nos sociétés modernes, ce travail est souvent évincé. L’endeuillé se réfugie dans de l’hyperactivité permettant de fuir certains affects. Cependant les maux ne tardent pas à se faire sentir,

Certains symptômes s’installent insidieusement: trouble du sommeil, de l’humeur, somatisations, crise d’angoisses, addictions ….le psychisme sait bien détacher l’affect de sa représentation initiale, réprimer l’un et refouler l’autre, pour éviter de souffrir dans l’instant, mais avec quelles conséquences à long terme?

Ainsi, la première année du deuil, il est important d’être particulièrement à l’écoute de soi, de ses émotions, de prendre le temps de revisiter certains souvenirs, de revoir ses priorités et de réinvestir, à son rythme, la vie et de nouveaux liens. Et, c’est en quelque sorte un cadeau pour soi et pour son entourage et également un hommage à la personne défunte, de vivre son deuil et d’en sortir .

En effet, dans le cadre du service des soins palliatifs où j’exerce depuis 2011, j’ai pu accueillir de nombreuses fois ces craintes de patients qui redoutaient que leur maladie et leur mort n’étouffent les forces vitales de leurs proches, notamment lorsque celui ci est vécu par l’entourage comme un pilier familial fortement investi .

Cette attention aux « survivants » rejoint Paul Ricoeur qui dans sa méditation : « Rester vivant jusqu’à la mort » nous parle d’une fin de vie où il y aurait détachement de l’inessentiel afin de se rendre disponible pour le fondamental, le transfert sur ceux qui restent de l’amour de la vie .

Pour conclure, je dirais que le travail de deuil est salvateur, il permet de soutenir les pulsions de vie personnelles et transgénérationnelles. C’est un travail essentiel de maturation psychique .

Marlène LELOUTRE Psychologue clinicienne

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